L'atelier d'écriture virtuel
Quelques plumes des Plumots avant Noël : Adèle, à l'initiative des ateliers, Jean-Paul, Soizic et Julie (de gauche à droite et de haut en bas). Et toujours une petite invitation personnalisée par l'animatrice.
Après avoir vécu plusieurs années à Montréal, Adèle, professionnelle de la communication et férue de mots pourvu qu'ils sonnent et dégagent leur pouvoir évocateur, s'installe à Toulouse. Que faire alors lorsque l'on est sociable, fun et créative pour s'intégrer dans une nouvelle ville ? Plutôt du type accélératrice de particules, Adèle publie une annonce sur un site de rencontres non-amoureuses. Contenu du texte en substance : si tu veux te faire des amis, si tu aimes écrire en t'amusant ou t'amuser en écrivant, si tu as de l'imagination, même qu'un tout petit peu, rejoins mon atelier d'écriture.
Petite annonce, grand effet : rapidement, un petit noyau d'amateurs, dont certains sont devenus des amis au fil du temps, se constitue. Nom de baptême : Les Plumots. Tous les quinze jours environ, le groupe se retrouve dans un bar pour dépoussiérer les poncifs, épousseter les recoins endormis de la créativité, passer à l'encaustique les idées banales pour les faire briller, sous la houlette de la sémillante Adèle, qui anime ces séances généreusement.
Une pandémie, deux confinements et un couvre-feu plus loin, l'atelier s'adapte : la possibilité de se retrouver 1. dans un café, 2. après 18h, étant nulle, Adèle propose des séances en visio. Sur le format, pas de changement : deux ou trois exercices d'écriture un peu exigeants, suivis d'un ou deux plus courts pour la drôlerie avant de se dire au revoir. Chacun lit sa production aux autres, qui écoutent en général avec religion et admiration : dans cet atelier, la densité de talents au mètre carré virtuel est très élevée.
D'une fois sur l'autre, pour éviter que les esprits s'installent dans la facilité, les consignes sont toujours différentes.
On a ainsi écrit une phrase qui constituait le début d'un roman fictif, puis passé à son voisin qui devait écrire la suite.
On a aussi imaginé un titre de livre, par exemple "Dernier virage avant la pluie", ou bien "Ma vie à l'ombre", à partir duquel un comparse devait écrire, selon ce qu'il lui inspirait, la quatrième de couverture d'un faux roman.
On a listé des vœux pour 2021 puis imaginé que l'on se réveillait un matin et que l'un de ces vœux était exaucé.
Actualité, vie quotidienne, pandémie du moment ou simple jeu avec les mots, tout inspire Adèle, qui n'est pas là pour de faux : elle aussi se prête au jeu des exercices, qui se font dans un temps limité. L'atmosphère est concentrée : il faut, dans la mesure du possible, écrire, vite, bien, et en dehors des sentiers battus. Chaque nouveau thème, associé à ses contraintes, est une forme de petit défi.
A la fin de la séance, on termine parfois par un haïku, ces poèmes japonais de trois vers de cinq et trois pieds qui évoquent l'évanescence des choses. Leur essence, souvent détournée par les Plumots, pourrait sonner comme un outrage au mont Fuji, mais les résultats sont drôles ou laissent rêveur parfois.
Gais, surprenants, intérieurs... Les ateliers d'écriture d'Adèle forment un condensé de sensations. Personne n'est là s'écouter écrire, mais plutôt pour s'ouvrir aux autres et se laisser embarquer par la fantaisie. Une bulle de bienveillance et d'émerveillement, antidote idéal à la morosité du moment.
Petit florilège des productions des Plumots lors d'un atelier juste avant Noël.
Premier exercice : petite annonce
La consigne : vous publiez une petite annonce sur Le Bon coin concernant quelque chose dont vous voulez vous débarrassez. Quelque chose, ou quelqu'un. Tout est possible.
L'annonce d'Adèle
Vends Organisation de Noël en famille à peine entamée
Organisation de Noël en famille cherche âme organisatrice avec qui finir l’année. Bordélique ou non sérieux s’abstenir.
L’organisation de Noël en famille ravira les bons samaritains en quête de bonnes actions pour les Fêtes et d’équité entre les différents foyers.
Les scientifiques ne seront pas en reste puisqu’il est ici question de chiffres : combien de jours chez ma mère, sachant qu’elle voit les enfants un mercredi sur deux contrairement à mon père qui ne les retrouve qu’une semaine sur deux aux petites vacances scolaires, mais qui présente l’avantage d’avoir passé Noël avec nous l’an passé, contrairement à mes beaux-parents, réclamant eux aussi leur part de dinde…
Mieux qu’un escape game car se jouant aisément seul, cette organisation de Noël est un casse-tête aux multiples solutions perdantes qui occupera vos longues soirées confinées jusqu’à Noël.
Moins calorique qu’un calendrier de l’avent, vous perdrez même des plumes à vous creuser les méninges. On apprécie aussi son côté prévisible, qui évitera les mauvaises (ou bonnes) surprises, étant donné que d’une année à l’autre, les questions sont en tout point semblables et les insatisfactions inévitables.
Prix : 100 € non négociable
Rubik’s cube offert si acheté avant le 8 décembre
L'annonce de Soizic
Vends paire de cernes
Vends paire de cernes en parfait état, bien qu’ayant été très utilisées. D’apparence bleuie, tendant occasionnellement vers le violet, vous apprécierez leur aspect moelleux et doux au toucher.
Elles conviennent à tous types de visages mais habillent particulièrement bien les teints pâles ou bilieux. Lorsque vous les aurez essayées, vous ne pourrez plus les quitter !
Littéralement, il est rigoureusement IMPOSSIBLE de s’en débarrasser. Elles résistent à l’eau, aux pleurs, au démaquillant et aux crèmes les plus onéreuses.
En plus de donner une profondeur cosmique à votre regard, elles vous feront gagner en sympathie : qui oserait s’attaquer à une personne si fatiguée ? Au travail, elles sont l’accessoire indispensable. Vous n’aurez plus besoin de répéter inlassablement les mêmes contre-vérités : “Je suis sous l’eau”, “J’ai pas une seconde à moi”, “J’ai bossé tout le week-end”.
Non, plus besoin, vos cernes parleront pour vous. Mettez-les, et observez immédiatement votre flux de mail s'amenuiser, votre 'to-do-list' réduire comme peau de chagrin. Après un week-end particulièrement éreintant et alors qu’elles épanouissaient leur superbe volume sous mes yeux, il m’est même arrivé de me faire offrir un café par un collègue !
En séduction ou au sein du couple, elles peuvent évidemment poser problème. Là où vous aspirez à offrir au monde un visage rebondi et frais, il vous faudra bien sûr vous arranger avec vos deux nouvelles amies.
Mais n’ayez crainte : dans ce cas-là bien précis, vous pourrez toujours les engluer dans un anticerne beige peau pour tromper l’ennemi, enfin l’ami.
Prix de vente : 30 euros l’une, 50 euros les deux. Attention, l’efficacité n’est pas garantie si vous n’en prenez qu’une !
L'annonce de Julie
Vends pieds plats
Vend pieds plats de 44 ans, taille 38, bon état général : un seul hallux valgus (pied droit), absence de corne, ongles larges, carrés, réguliers, ne s’incarnant jamais et faciles à vernir l’été sans dépasser.
Une rupture du tendon d’Achille chacun, solidement réparée par un chirurgien hors pair (IRM de contrôle sur demande). Aucun incident à signaler depuis 2013.
Le pied plat garantit d’être bien dans ses baskets, puisque ce sont les seules chaussures qu’il supporte. Il ne tolère pas les talons hauts ou les cuissardes, ce qui permet des économies de budget considérable.
Aux beaux jours, il s’épanouit dans une tong ou éventuellement, des spartiates, sandales à la fois peu coûteuses et élégantes.
Le pied plat ne tient pas sur pointes et ne court pas très vite, mais il a l’avantage d’être stable : toute sa surface touche le sol. Il garantit donc cet ancrage dont on a tous tellement besoin : il permet de prendre racine.
Pour prendre mon pied, c’est à partir de 125 € l’unité. Pour l’achat des deux, une paire d’escarpins Louboutin jamais portée offerte au premier acheteur.
Deuxième exercice : écrivez la suite
L'exercice suivant consistait à écrire une phrase et la transmettre à son voisin qui devait écrire une histoire dans un temps limité.
Voici le texte de Jean-Paul.
Une épaisse bruine de décembre me décida, ce matin-là, à mettre les voiles.
Je cherchai mes gants dans la valise d'affaires d'hiver et revêtis mon manteau de tweed.
Je refermai tous les volets en prenant soin de les crocheter efficacement et, pétri d’inquiétude, je donnai deux tous de de clé à la lourde porte.
Plus rien ne m’arrêta, je marchai sans savoir. J’allai les yeux fermés comme attiré par les lointains scintillements des premiers faubourgs.
La gare n’était plus très loin.
Arrivé dans le hall, je pris place sur un banc constitué de trois chaises moulées, au revêtement terni par l’usage.
Les yeux fixés sur la grande horloge, je suivais la trotteuse qui me rapprochait de l’heure fatidique du passage de l’express.
La ville était traversée par une grande ligne qui ne prévoyait pas d’arrêt en gare.
Lentement, je m’avançai sur le quai, guettant le grondement de la motrice en approche. Je retins ma respiration quelques secondes et serrai les poings.
Plus que quelques secondes. J’ouvris les yeux et dans un éclair aperçus le museau du TGV à quelques mètres.
Je fis un bond et lâchai ma petite valise. Le choc fut bref.
La valise explosa et son contenu s’éparpilla de part et d’autre du bolide. Les freins grincèrent en sifflant.
J’étais assis sur les fesses, hébété, contemplant le désastre.
Hébété et déboussolé, mais vivant.
Haïkus de Noël
Illuminations
A voir avant 20h
Fêtes en demi-teinte
Horizon de brume
Lune épaisse soudain enfouie
Noël aux confins
Indigestion pure
Amas d’épices et d’étoiles
Bulles d’Alka Seltzer
(c) Quovidis / JA
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