...pour quelqu'un de spécial, très spécial, même, qui depuis notre plus jeune âge, nous enveloppe de sa présence constante et bienveillante, nous régale de sa fameuse mousse au chocolat, anthologie culinaire familiale, nous impressionne par sa capacité à mettre du beau, du régulier, du jamais-différé dans sa vie, si l'on en juge ses plantes toujours vertes, sa maison sans plinthe qui tombe quand on passe l'aspirateur, et même - souvenir d'enfance vivace - sa voiture - une Renault 5 dans laquelle on s'entassait à six enfants - sans terre sous les pieds et boîte de kleenex décorée sur l'équipée - quand la voiture de nos parents frôlait l'état de poubelle ambulante.
Françoise, tante, belle-soeur et grand-mère et grande-tante adorée d'une sacrée tribu, franchit le seuil d'une nouvelle année zéro avec brio et l'air de faire dix ans de moins que son âge, sans doute parce qu'excès et paresse sont deux mots qui ne font pas partie de son vocabulaire. L'aquagym et le yoga pour le mouvement, le jardinage à la maison et les randonnées à Val-Cenis pour le grand air, la cuisine et la confection de décorations de Noël pour la méditation, la vie familiale et amicale pour les plaisirs de la vie, du thé vert et jamais d'alcool - même pas de bière bio, contrairement à ce qu'une rumeur a pu véhiculer récemment - contribuent sans doute à lui donner cette allure juvénile et cette énergie tranquille et constante.
Au cœur de cette vie rythmée de passions simples, la famille, dont elle prend soin sans en avoir l'air, en deçà de 7 et au-delà de 77 ans. De la sucette pour aider à faire les dents à la lecture adaptée aux angoisses nocturnes des petits de trois ans, en passant par les déjeuners dominicaux où son beau-père a sa place, Françoise œuvre pour le bien-être des uns et des autres, toujours à la bonne distance. Attentive, elle écoute sans jamais juger. Une aptitude qu'on imagine personnelle développée sans doute dans son métier de psychologue, exercé avec beaucoup d'investissement et motivé par une constante envie d'apprendre. Et surtout, sa formation et son expérience lui ont permis de détenir le secret : pour que les enfants soient sages, il faut leur offrir une glace, avec générosité et simplicité, sans aucune contrepartie aucune, même s'ils n'ont pas nagé jusqu'à la bouée, selon un rituel familial bien ancré.
Longtemps, avant que la famille produise des ramifications, Françoise a rassemblé pour les communions, Noël et les anniversaires, cousins, beaux-frères et belles-sœurs, autour d'un canard à l'orange, d'une dinde aux marrons et une farandole de desserts, qu'on goûtait avec avidité au risque de frôler l'indigestion. Si la recette de sa mousse en chocolat se transmet en mère en fille et de fille en nièce, les choux de Grand-Mère Jeanne, le far breton, et toute douceur contenant du cacao est régulièrement au menu. Le gâteau au yaourt, dont elle garde la recette de Pomme d'Api depuis près de 40 ans, fait aussi partie du Top 5 des recettes sucrées et a fait des émules chez ses petites nièces outre-Manche durant le confinement. Son mari Bruno contribue quant à lui activement à la confection des pâtisseries - et à les manger. Au fil des années, il a même mis au point une technique de gobage de chou à la crème suffisamment élaborée pour ne pas mettre partout ni mourir étouffé, tout en savourant. La force du couple, sans aucun doute.
Pendant le confinement, Françoise n'aura pas manqué de partager ses talents culinaires en photo. De manière générale, elle se sera imposée comme animatrice en chef es 'joie et légèreté', postant régulièrement des photos de fleurs, du hérisson qu'elle a sauvé de la noyade et des blagues glanées sur les réseaux sociaux sur le fil familial. Elle n'aura pas hésité à simuler un départ au marché masquée... telle Catwoman, à se déguiser en œuf de Pâques avec Bruno alors que les cloches ne pouvaient plus voler au-dessus des jardins, à revêtir un voile le jour de leur anniversaire de mariage, quand les rassemblements étaient impossibles. Elle aura veillé à amuser la galerie familiale, en somme, avec régularité et bonne humeur, dans cette période plutôt sombre.
Les voyages comptent aussi dans sa vie. Avec Bruno, elle s'est baladé dans le monde à la fréquence d'un séjour par an, et si son mari lui a imposé un rythme de visite soutenu - du type : deux musées et un château par jour a minima -, elle ne s'en est jamais plaint, en bonne suiveuse savourant sa chance.
Dotée d'un cœur grand comme ça, elle s'investit depuis qu'elle est à la retraite dans l'association La Bourbonnaise pour elles, qui aident les femmes atteintes du cancer, en leur apportant son écoute.
Son portrait serait incomplet si l'on ne mentionnait pas son goût pour les romans et les chats. Ces derniers - au nombre de deux -, bénéficient de la même attention portée aux humains.
Mais Françoise sait donner sa juste place à chacun : les chats n'ont pas le droit de goûter à la mousse au chocolat.
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