Dis-moi quel confiné tu as été,
je te dirai quel déconfiné tu es
Durant deux mois, chacun de nous a développé ressources et sens de l’adaptation pour faire du confinement un moment acceptable. Perte de la vie sociale, suspension des activités de loisirs, école à la maison, télétravail, chômage partiel… Pour faire face à ces situations nouvelles, nous avons tous cherché à compenser la privation de liberté et maintenir un semblant de vie normale. Maintenant, le déconfinement s’amorce. Compte-tenu des nouvelles habitudes prises pendant la période de restriction, mieux vaut aborder la transition en douceur. Nos conseils pour éviter les déconvenues et les chocs émotionnels, car revenir à la vie que nous avons connue avant n’est pas si simple.
Déjà cuisinier amateur avant le confinement, tu as contribué à provoquer la pénurie de farine, pains à hamburger et chocolat pâtissier. Durant ces deux mois, tu as jeté ton dévolu sur de nouvelles recettes, cuisiné gâteaux et fondants à tour de bras, gavé ta famille qui t’a supplié d’en faire moins au bout de trois semaines. Tu as alors cuisiné des choses plus légères, comme du fenouil, par exemple. Ta famille t’en a été gré, bien sûr. Malgré l’intégration de légumes sans matière grasse dans les repas, vous avez fait partie de ces Français qui ont pris du poids sur la période.
Notre conseil pour un déconfinement en douceur : tes enfants retournent à l’école, cela fera un déjeuner de moins à préparer. Pour ne pas vivre cela comme une perte, prépare-leur une lunch box végétale. Double bénéfice : eux, ils perdront leurs petits bourrelets. Toi, tu cuisineras toujours, mais un peu moins. Cette décroissance te permettra d’accepter progressivement la fin de ton statut de père/mère nourrissier.e que t’avait procuré le confinement.
Pour toi, confinement a rimé avec voyage intérieur. Tu as souhaité faire de cette période d’isolement et de déconsommation une introspection, un retour à l’essentiel, un éveil à la spiritualité. Tu t’es nourri.e d’aliments détox, comme l’artichaut et le radis noir pour revitaliser les fonctions vitales. Tu t’es quand même autorisé.e quelques cours de yoga sur Zoom, mais tu as surtout traversé cette période dans la solitude, avec sérénité. Toutefois, à en croire ce que l’on voit sur la photo, tu as mangé pas mal de chocolat... Est-ce bien ayurvédique, tout ça ?
Pour déconfiner sans violence, nous te conseillons un retour vers le grand monde progressif : alterne repas d’artichaut et de frites, séances de yoga et balades en ville aux heures de pointe. Tu seras ainsi bientôt prêt.e pour retourner au travail, manger du gras à la cantine et t’intoxiquer à nouveau dans les bouchons.
Toi, avant le confinement, tu étais sociable. Et pendant, tu es resté le.la même. En télétravail, ton quotidien n’a quasiment pas changé : tu as continué à organiser des pauses-café virtuelles avec les équipes du bureau. Tes soirées étaient faites d’apéros, de dîners, de verre après manger ? Tu as maintenu la cadence, à grands coups de cocktails et de connexions Skype. Mais à en voir ton agenda, tu as peut-être un peu forcé, non ? Le déconfinement risque d’être dur… Pour tes apéros réels, je te conseille de consommer deux verres d’eau pour un verre d’alcool ; tu verras, ton estomac, rempli comme une outre, t’amènera à te limiter. Parce qu’entre café et Ricard, ton foie en a pris un coup, pendant ces deux mois, crois-moi… Tu as échappé au coronavirus, développer une maladie hépatique serait quand même un peu dommage, non ?
Tu es un enfant qui n’en peut plus de ses parents. Les premiers jours, tu as trouvé ça cool, le confinement. Tes parents étaient pleins de bonne volonté pour partager jeux de société et footings avec toi pour que tu ne passes pas ton temps sur les écrans. Et puis, sans surprise, toutes ces bonnes intentions se sont envolées. Retour à la normale : des conversations d’adultes sur le virus, des leçons de morale sur les jeux vidéos, sans parler des disputes que tu avais avec tes frères et sœurs. Tu as essayé de tenir bon, pourtant : tu t’es documenté.e pour savoir comment survivre au mercredi, comment être serein.e en famille… Mais tu as craqué. Le collège rouvre lundi : cela fait une semaine que tu as fait ton sac et que tu répètes les gestes barrières devant tes parents, pour qu’ils soient rassurés à l’idée de te lâcher à nouveau dans la vie en communauté. Pour un déconfinement doux, ne leur laisse tout de même pas penser que tu es bien mieux dans un endroit où le coronavirus se balade, que chez eux. Ce serait vraiment trop dur à avaler, « avec tout ce qu’ils font pour toi, ingrat.e ».
Avec le confinement, tu t’es retrouvé.e au chômage partiel. Tu étais donc disponible pour faire l’école à la maison. Cette mission a été pour toi une révélation : tu t’es éclaté.e. D’ailleurs, ton enfant aimerait retourner à l’école pour retrouver ses copains, mais toi, tu t’en n’as pas très envie : cela créerait trop de vide dans ta vie. Pédagogies alternatives, Montessori, Freynet… n’ont plus de secrets pour toi. Au point que tu te dis que, si tu perds ton job, tu te prépareras pour passer le concours de professeur des écoles. Avec le nombre d’instits qui se reconvertiront après cette fin d’année, écœurés de la manière dont leur ministère les aura traités, on aura besoin de toi. Alors plutôt que de séquestrer ton enfant, laisse-le retourner à l’école, et toi, fonce vers le professorat, n’attends pas !
Tu es un senior à la retraite, tendance hyperactif. Tes occupations sont multiples : bénévole aux Restos du cœur, tu fais aussi partie d’une chorale et d’un club de bridge, sans parler du temps que tu consacres à tes petits-enfants, dont tu t’occupes en temps normal tous les mercredis et pendant les vacances scolaires. Tu lis, tu voyages, tu marches : toutes les occasions sont bonnes pour toi pour continuer à découvrir, comprendre, te cultiver, rester en forme.
Grâce à ces ressources, tu as su prendre le confinement comme une opportunité de poursuivre tes activités, mais différemment : tu as écumé les grilles de mots fléchés et de sudoku pour continuer à te stimuler intellectuellement et tenir à distance les maladies neurodégénératives, tu as arraché et nettoyé tout ce que tu pouvais dans ton jardin, tu as lu des bouquins d’histoire, de sciences, d’économie, tu as cousu des masques...
Pour compenser la perte de vie familiale et sociale, tu t’es connecté.e à WhatsApp. C’est peut-être sur ce point que nous attirons ta vigilance. Il semblerait que tu sois devenu.e un peu accro. Le déconfinement ne nous permet pas de reprendre toutes nos activités à l’identique : nous avons toujours besoin des réseaux sociaux. Pour ne pas devenir dépendant.e, nous te donnons les mêmes conseils qu’aux ados : fais une pause d’une heure, puis demande-toi, en lisant les échanges, si tu as raté quelque chose de vraiment important ; lorsque tu bouquines, laisse ton téléphone sur la table dans l’entrée pour ne pas être tenté.e de le regarder incessamment ; fais le tri dans tes contacts : si la personne avec qui tu échanges virtuellement n’est pas quelqu’un avec qui tu interagis dans la vraie vie, supprime ses coordonnées.
Tu es… mort du coronavirus ? Ah. Dans ce cas, pas de conseils à donner. Désolé.
Tu as fait preuve d’un très grand courage : tu as profité du confinement et de la suspension de la vie sociale pour arrêter de fumer. Tu as cherché à contacter les équipes de la ligne Tabac Info Service, mais comme elles étaient réquisitionnées pour Info Coronavirus, tu n’as eu personne au bout du fil. Tu as donc cherché comment faire en consultant des témoignages sur internet. Tu en as retenu trois informations-clés : lorsque l’envie de fumer surgit, il faut s’occuper les mains, boire un grand verre d’eau ou faire du sport. Tu t’es donc mis à tricoter, confectionner des bracelets brésiliens, dessiner, courir pendant l’heure de sortie autorisée dans un rayon de 500 m autour de chez toi, en évitant vélos, voitures et poussettes. Tu as été très abnégant.e. Sauf que le jour où tu as lu que la nicotine semblait protéger du virus, tu as un peu craqué : tu t’es rué.e sur la bière et les cacahuètes. Mais quand même : on déconfine et tu n’as pas retouché une cigarette. Bravo !
Avec le déconfinement, la vie sociale peut reprendre, les verres entre amis aussi. Tous les anciens fumeurs le disent : la cigarette de l’apéro, c’est celle à laquelle on a le plus de mal à résister. Notre conseil pour tenir : apporte ton tricot.
Avant le confinement, tu étais blonde. Pendant, eh bien… tu as tenté de rester de l’être, mais faute de produits de décoloration adaptés, ta vraie couleur de cheveux a refait surface. Avant, avant, avant, tu étais brune. L’un de tes premiers gestes lors de l’annonce de la réouverture des commerces a été d'appeler le coiffeur, mais malgré ta rapidité, le premier rendez-vous qu’on t’a proposé est pour mi-juin. Alors, pourquoi ne pas profiter de cette période pour réfléchir aux effets de la pression sociale sur les femmes quant au vieillissement ? Et à ceux produits par l’utilisation de produits chimiques sur la santé ? Allez, courage. Tu peux faire un pas de côté. Tu sais pourquoi ? Parce que tu le vaux bien ;).
Ohé ! Sais-tu quel jour on est ? Sais-tu que l’on est déconfinés depuis lundi 11 mai ? Il semblerait que non… Toi, tu es un.e geek. Le confinement était à peine annoncé que déjà tu jubilais intérieurement à l’idée d’aller de passer tes jours et tes nuits à faire des jeux vidéos. Tu fais partie des 4 % d’élèves qui sont sortis du circuit, mais toi, ce n’est pas pour cause de manque d’équipement numérique, mais plutôt parce que tu es accro à Ghost of Tsushima et Resident Evil. A te nourrir de sodas et de chips pendant deux mois, forcément, tu as pris du poids (et aussi fait de l’acnée). Alors maintenant, il va falloir, dans l’ordre : 1. Ouvrir les volets, 2. Te laver (oui, même les cheveux), 3. Sortir de chez toi, 4. Te remettre à parler aux autres.
Pour une transition en douceur, tu peux porter des lunettes de soleil si tu as peur d’être gêné.e par la lumière. Si le retour à la vie sociale te fait peur, commence par des sorties le matin, où les rues sont moins peuplées.
Toi, au bout de trois semaines de confinement, tu voulais partiiiiiir ! Bien sûr, dans ta vie d’avant, tu étais un.e voyageur.s.e chevronnée, plutôt du genre à mettre les voiles avec un sac à dos seulement, et à te laisser porter au gré des opportunités. Débrouillard.e, communicatif.ve, chaque voyage était pour toi synonyme de rencontres, d’immersions, d’émerveillements, de galères-dont-on-se-souviendra-en-riant. Avec le confinement, tu as du suspendre ton projet de treck de trois semaines en Ouzbékistan et nul ne sait encore quand tu vas pouvoir le faire. La déprime…
Pour te consoler, utilise ton sens de l’adaptation et comme tous tes compatriotes, joue la carte de la proximité ! A quelques encablures de chez toi, tu devrais trouver un endroit vierge de toute civilisation pour faire du camping sauvage. Tu feras du feu pour réchauffer tes boîtes de conserve, tu te laveras dans la rivière, tu te perdras dans la forêt pendant un orage, peut-être même que tu pourrais te choper des tiques et ne pas pouvoir appeler un médecin pour une prescription d’antiobios faute de réseau… Tu vois, il y a moyen de vivre une grande aventure près de chez toi !
Tu n’attendais que ça : ce matin, après des trajets en sauts de puces n’excédant pas 100 km effectués ces jours derniers pour gagner discrètement l’océan depuis le sud-ouest où tu t'es exilé, tu as enfilé ta combi, gréé ta voile, traversé la plage fraîchement rouverte en courant, puis tu t’es hissé sur ta planche et tu as filé vers le large.
Comme tous les Bretons, cela faisait deux mois que tu étais dans les starting-blocks pour te prendre une bonne rasade d’embruns. En attendant, tu as compensé le manque d’iode en consommant les spécialités produites par ton ‘pays’ .Tu as raison, le palet breton, c’est anti-coup de blues : le beurre, ça réchauffe le cœur...
Mais quand même… Cette crème solaire indice 50, ce ne serait pas un peu exagéré ? On veut bien que le climat se réchauffe mais il semblerait que tu affabules. On mettra ça sur le compte du confinement. Et il serait plus régionaliste de se procurer une protection solaire locale plutôt qu’avoir recours à une grande-marque-pharmaceutique-dont-on-taira-le-nom.Ce
Sinon… Après deux mois sans naviguer, sois prudent, tout de même. Ne t’éloigne pas de tes comparses ou de la sécurité en mer (écoute-moi, Pierre ;-)).
Pendant le confinement, tu n’étais pas confiné.e : tu étais au taquet. Médecin dans un hôpital de province, tu t’es fabriqué.e comme tu pouvais une protection pour te protéger du virus, faute de blouses, de masques et de gants qu’on te promettait mais qui n’arrivaient pas. Tu as fabriqué des respirateurs à l’aide de gonfleurs pour matelas pneumatique. Entre la pénurie de matériel, des équipes surmenées, des patients mal en point, tu as tout donné. Depuis quelques jours, la décrue est amorcée. Profites-en pour souffler : elle sera peut-être de courte durée. Prends l’air, profite de ta famille, va boire un verre chez des amis. Enfin… ça, ce n’est peut-être pas une bonne idée. La bouteille de vodka sur la photo, tu es sûr.e que c’est pour te désinfecter les mains ?
Avant le confinement, le lundi soir, tu avais volley ; le mardi soir, badminton ; le mercredi entre midi et deux, tu allais courir avec des collègues ; le jeudi, tu avais escalade ; le vendredi, tu avais squash, et le week-end, tu alternais entre VTT, rando, kayak et semi-marathon. Alors, quand on s’est confinés, ta famille a découvert ta vraie nature : tu-es-chiant.e !
Tu as tâché de retrouver l’équilibre en courant sur ton balcon, joué au ballon dans la cour de ton immeuble, soulevé de la fonte dans ta chambre, suivi un programme de gym cardio sur Zoom. Ça n’a pas suffi. Pour calmer tes nerfs, tu as commandé un punching-ball sur Amazon (c’est mal, mais c’est mieux que de se mettre à taper sur ton enfant qui te soutient qu’au passé simple, on dit ‘il coura’, pendant la séance d’école à la maison).
On déconfine, mais les clubs ne rouvrent pas pour des cours collectifs. Malgré tout, tu vas pouvoir suivre des entraînements particuliers et pratiquer les activités de pleine nature. Tu vas voir, ça ira. Mais conserve le punching-ball encore quelques temps, c’est mieux.
Toi, au début de la menace, tu nettoyais. Pendant le confinement, tu as nettoyé. Maintenant qu’on déconfine, tu nettoies.
Si tu ne prends pas un peu de recul sur la situation, tu vas peu à peu perdre le goût de la vie et développer des troubles psychologiques – c’est sans doute déjà un peu le cas. Le gouvernement le martèle : « Nous devons apprendre à vivre avec le virus ». Alors, pose tes gants Mapa et va prendre l’air avec des amis. Demande-leur de respecter les distances de sécurité et parle-leur de tes difficultés en leur demandant de ne pas te juger. Tu vas voir, petit à petit, grâce à leur soutien, tu vas retrouver le plaisir de vivre.
On dit que les chiens n’ont pas la notion du temps : c’est faux. Tu sais très bien que le samedi, quand tout le monde est à la maison, c’est jour de marché, ta sortie préférée. Tu t’es ainsi bien rendu compte que pendant deux mois, une étrange routine s'est instaurée : tu t’es vu proposer des balades à tour de bras, y compris par des membres de la famille qui ne te promènent habituellement jamais. Tu as bien pensé simuler l’apathie pour avoir la paix tellement tu avais le sentiment que ton rythme biologique n’était plus respecté. Puis, voilà une semaine, tout s’est calmé. Tant mieux, parce que tu te sentais surmené. Maintenant, tu vas à nouveau avoir du temps pour toi : tu vas pouvoir dormir sur le dos le matin, sur le ventre l'après-midi, sur le côté le soir... Tu vas tourner douze fois sur toi-même avant de t'installer dans ton panier et glisser ta truffe sous ta couverture qui sent si bon. Tu vas te confiner dans le déconfinement et franchement, tu l'auras bien mérité.
(c) Quovidis /JA
Comentarios