De Laure au bout des doigts
Petite déjà, elle dessinait avec précision, reproduisant son environnement avec justesse. Plutôt timide en public, le dessin était un mode d'expression et ses productions d'enfant traduisaient un sens de l'observation plutôt affûté.
Plus tard, elle opte pour un dessin plus libre, non figuratif. Elle attrape stylo bille et papier, et gribouille en circonvolutions. Jusqu'à ce qu'une forme évocatrice apparaisse et, sous ses mains, évolue jusqu'à devenir animal ou visage.
Esthéticienne de formation, elle accepte la cosmétique à condition qu'elle soit bio.
Un jour, elle fait littéralement de ses produits de maquillage trop chimiques des pots de peinture : à l'aide de ses fards à paupière, crayons, rouges à lèvre et autres vernis, elle compose une œuvre abstraite qui s'envole, danse et tourbillonne.
Laure, 32 ans, une allure juvénile et des cheveux dans lesquels on se perd quand on l'embrasse. Un halo de gentillesse, une finesse d'analyse, un rire qui vient du fond de la gorge et qui s'envole. La discrétion et la douceur au quotidien, la fantaisie qui confine au déluré en soirée, surtout si elle est un peu arrosée. Une personnalité attachante, étonnante, qui ne dit pas tout de ses replis.
En matière de création artistique, la jeune femme a le goût de l'expérimentation et du voyage intérieur. Et de l'or au bout des doigts.
"J'ai ressorti des dessins de maternelle que ma mère avait gardés, explique-t-elle. Des dessins d'enfant, abstraits, qui sont avant tout une expérience sensorielle. Je m'en suis inspirée pour mes nouvelles peintures."
Avec le premier confinement, elle avait ressorti pinceaux et couleurs, réactivant sa fibre artistique. Juste avant le deuxième, elle commande peinture acrylique et rouleau de papier kraft, dans l'idée de réaliser une grande toile qu'elle accroche directement sur le mur pour la composer. "Pour me sentir plus libre", dit-elle.
Elle laisse faire son imagination, ses doigts, son âme et en l'espace de deux dimanches naît "Mimozazur", une explosion de vie en jaune et bleu, émaillée de lumière et d'ombre, sur une surface d'un mètre quarante sur un mètre. Au centre, un collage de visage entouré de cheveux ; autour, ce qui semble être des yeux. Le tableau a sa part de mystère : on y voit ce que l'on veut. On ressent, surtout, son énergie galvanisante, sa puissance magnétique.
Lorsqu'elle envoie la photo de son tableau à une amie artiste-peintre professionnelle, celle-ci lui écrit ces mots : "C'est un magnifique travail qui pourrait se rapprocher de l'art optique ou de la peinture en mouvement. Ce n'est pas un marathon mais un sprint, tu brûles toutes les étapes. Bravo. Révérence. C'est moi qui m'incline."
Depuis "Mimozazur", Laure a réitéré l'expérience 'kraft' dans un format 'affiche' de 50 X 70 cm. Rose tendre, blanc lumineux, pointes de noir... et c'est un surprenant "Champs de mouettes" qui prend son envol, tout en douceur et modernité, sur la toile, vision lénifiante qui apaise les cœurs un peu malmenés en cette étrange période d'incertitudes.
Ces épisodes créatifs lui procurent de l'apaisement, dit-elle, du bien être. "Quand tu commences, tu laisses partir, tu inventes au fur et à mesure. Tu essaies. Ça donne quelque chose. Ce qui m'intéresse, c'est d'expérimenter." Et d'ajouter en riant "qu'il faut aussi savoir s'arrêter !"
Ce qu'elle aime dans la création, c'est la liberté et l'évasion qu'elle procure. Laure a à peine achevé sa dernière œuvre que déjà une nouvelle est en cheminement. Ses doigts, qui ont pu la faire souffrir parfois au point de l'empêcher de travailler tant ils étaient couverts d'eczéma, semblent ne plus vouloir s'arrêter de dessiner. Entre pinceaux et papier, mus par un esprit libre, ils ont trouvé leur place.
(c) Quovidis / LA
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