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Photo du rédacteurJulie Guinony

Propos d'un confiné vulnérable - #1

Avant-propos


André a 98 ans. Il vit seul, en totale autonomie, dans sa grande maison de trois étages. Depuis toujours, cet ancien pharmacien biologiste mène une vie bien remplie. Photographe amateur, ses clichés – qu’il développait lui-même au temps de l’argentique - font régulièrement l’objet d’expositions dans les institutions de la ville.

A intervalles réguliers, ce féru d’histoire écrit et publie à compte d’auteur des biographies sur des figures locales du Bourbonnais, sa terre de prédilection. Raconter l’histoire des ancêtres de la famille, chiner des microscopes pour son musée aménagé à l'étage de la maison, assister à des conférences, voir ses amis, déjeuner chez ses enfants le dimanche comptent aussi parmi ses nombreuses occupations.

André, c’est notre grand-père, à Anne et moi, auteures de ce blog. Le 1er mai, toute sa famille - quatre enfants, quinze petits-enfants, dix-sept arrières petits-enfants, et les conjoints - aurait du être réunie pour une cousinade autour de lui. Confinement oblige, elle a été reportée.


En attendant de se revoir, nous pensions lui dédier un article. Finalement, c'est une chronique, dont il a lui-même choisi le nom : "Propos d’un confiné vulnérable", et qu'il écrit.


Lui laisser la parole nous semblait évident. D’une part, parce qu’André est facétieux, et que l'humour constitue la ligne éditoriale de "Quovidis". D’autre part, parce qu’un confiné de 98 ans, ça ne court pas les rues.

Enfin, concernant André, ce sera juste le temps du confinement.



Propos d'un confiné vulnérable - #1

par André


Durant ce premier mois de confinement qui est parti pour durer longtemps, j'ai passé en revue les diverses épidémies dont je me souviens.

Bien sûr, d'abord la grippe espagnole dont mon père m'a souvent parlé. Le jour du 11 novembre 1918, il était au lit, à Orléans, à l'hôpital auxiliaire de Fleury-les-Aubrais. Le 12, la guérison était là. L'affection se terminait par une pneumonie, dont on mourait, faute de soins et de médicaments efficaces : 200.000 morts en France.

Curieusement, je ne me souviens d'aucune autre épidémie, que ce soit dans mon enfance ou dans ma vie active. Si je cherche bien, mon seul repère est une mini-épidémie dans la région de Valençay durant l'hiver 1944. Je travaillais alors chez un pharmacien de Valençay. Une épidémie de diphtérie s'est déclenchée dans la région. La diphtérie est une maladie terrible, on meurt asphyxié. Malgré les conditions difficiles de l'époque - électricité intermittente, aucun transport, si ce n'est vélo et camion à gazogène, stock de médicaments rare -, grâce à deux médecins dévoués, un pharmacien intelligent et bricoleur (microscope du temps de Pasteur éclairé à la lumière du soleil, étuve chauffée à la bougie, centrifugeuse tournée à la main), l'utilisation à bon escient du peu de sérum antidiphtérique possédé (à des doses restreintes, contrairement à la doctrine officielle), aucun décès n'a eu lieu.

Si bien que je garde de Valençay non pas le souvenir d'une épidémie qui aurait pu être terrible, mais surtout le goût du fromage paysan dont on dégustait un quart de pyramide à chaque repas.

Toujours en cherchant dans mes souvenirs, je retrouve l'été de la canicule. Ce n'est pas une épidémie, mais presque : le soleil en pleine activité a frappé les gens âges retirés dans des maisons de retraite. On n'avait pas prévu l'installation de climatiseurs, que l'on considérait comme un luxe de bourgeois. Pour moi, j'ai simplement le souvenir d'un été splendide, avec une eau de mer à 27° : un délice. Je n'ai su qu'ensuite le nombre de morts : 15.000 !


Que nous vaudra la pandémie actuelle ? Qui vivra verra ! La difficulté est de vivre.


Mais on peut déjà prévoir l'épidémie suivante : la sécheresse. Elle arrive à grands pas. Que fait-on pour s'y préparer : rien, comme d'habitude. Pourtant, l'eau ne manque pas, elle déborde l'hiver et entraîne même des désastres. Plutôt que d'adapter les cultures et l'homme à la sécheresse, comme veulent le faire les écologistes, ne pourrait-on pas conserver l'eau surabondante de l'hiver, barrages, retenues collinaires, etc...? Ce n'est pas la doctrine actuelle, mais ce sera trop tard.

A suivre.



Dans le jardin du confiné vulnérable, le lilas s'épanouit. (c) André R.

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