Cinq mois. Sans un roucoulement. Sans le moindre battement d’aile. Sans la plus petite plume au vent. Sans une déjection sur mon balcon. Pas un article à ce sujet depuis le mois de juin. Rêve ou réalité ? Ni l’un, ni l’autre. J’avais juste pas le goût de vous écrire la suite. Oui, il l y a une suite. Et elle n’est pas belle à voir…
Reprenons où nous étions.
Je vous ai laissés début juin, dans un ex-æquo qui permettait à chacun de vivre une vie à peu près équilibrée sur le balcon de la discorde, selon des règles bien établies : pas plus de cinq fientes par semaine pour eux, pas d’occupation entre 21h et 8h pour moi.
Fin juin, je m’absente une petite dizaine de jours. Cette escapade en bord de mer se passe à merveille, je profite du soleil et reviens revigorée par l’air marin. Mais lorsque j’ouvre les volets de ma chambre… c’est le choc. La chute. La désillusion. L’effondrement. Ils sont de retour. Pour de bon. Certes, ils ne sont jamais vraiment partis mais là, ils ont clairement et volontairement outrepassé notre accord. Ma découverte est terrifiante. Vertigineuse. Obsédante. Je suis abattue.
Au bout de mon balcon, dans ce coin abrité qui semblait avoir leurs faveurs, les volatiles urbains ont enfin réussi à établir le siège de leur multi-nationale plumée et excrémentée.
Ils ont fait un nid.
Et dans ce nid, il y a des brindilles, des plumes, des feuilles… et des pigeons en devenir. Oui, au pluriel ! Car il y a non pas un, mais DEUX œufs !!!! Enfer et damnation, je vais me les rôtir, ces pigeons !
Le pire du pire, c’est qu’ils ont bâti ce nid sur un morceau de grillage gondolé, que j’avais installé au sol… pour les empêcher de se poser. Ils l’ont donc consciencieusement et méthodiquement aplati avec leurs viles petites pattes, avant de s’y faire un nid douillet. Si ça c’est pas de la provoc’ ! Un franc et direct doigt d’honneur à mes stratagèmes aviaires. Je les entends me dire : « Hey la frisée, ton grillage tu sais où tu peux te l’mettre ! ». Il ne leur manque plus qu’une crête, un berger allemand, un pantalon kaki et ils pourront se joindre aux punks à chiens de la place Sainte Anne. Je peste. Je grogne. Je soupire.
Plusieurs questions me viennent alors instantanément en tête : Pourquoi moi ? Pourquoi ce balcon ? Pourquoi pas celui des voisins ? C’est viable, un œuf de pigeon ? C’est comme les manchots, sur les deux y’en a un qui va pas tenir ? Ça va éclore dans combien de temps ? Dois-je ne plus m’absenter de chez moi, même 24h ? Ça fait de bonnes omelettes, les œufs de pigeon ?
Alors que tout cela abonde dans ma tête, l’un des parents rapplique à proximité du nid. Il ne se pose pas dessus, garde ses distances et ne me quitte pas des yeux. Le duel de regards est intense. Mais je ne baisse pas les yeux. Plutôt crever. Le pigeon tournoie autour du nid, il est agité, indécis. Je sens que j’ai l’ascendant. L’animal ne se pose toujours pas sur le nid. Protéger ses petits, oui. Mais y perdre des plumes, non. J’engrange ainsi une nouvelle donnée sur le comportement des pigeons : leur courage est une notion relative. Très relative.
Toutes mes questions restant sans réponse (il faudra quand même que j’aille voir sur un moteur de recherche pour l’omelette...), je passe à l’action. Je monte dans le grenier chercher du matériel. Cette fois-ci, faut que je m’équipe correctement pour traiter l’affaire. Je suis prête à en découdre. Je prends les outils et matériaux nécessaires puis redescends illico sur le balcon. On y est. Je suis prête. Je lève la main, je prends une grande inspiration et…
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(la suite après cette croooooomeugnooooooonne image)
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… je sécurise les lieux. Bah oui. C’est tout. Aussi faciles soient-ils à frire, j’allais pas les prendre, ces œufs. Ni les casser. Ni même les jeter sur les vitres des voisins d’en face. J’ai pas le cœur à faire du mal à une bête. Aussi roucoulante soit-elle.
Je prends donc le carton et les chutes de papier-peint que j’ai rapportées du grenier et je les glisse sous le grillage, sans même toucher au nid. A défaut de m’être sympathiques, ces pigeons se sont au moins révélés pragmatiques en se posant sur un revêtement mobile. En cinq minutes, la zone est protégée de tout projectile digestif. Il n’y a plus qu’à attendre. D’après mes recherches, l’éclosion des œufs devrait avoir lieu dans un peu plus de deux semaines. Toutefois, si la ponte remonte à mon départ de l’appartement, je ne serais pas surprise de les voir éclore d’ici dix jours.
Glurps.
Et là, je réalise : je ne suis pas prête ! La chambre des petits n’est pas même pas finie ! Comment vais-je faire pour trouver une nounou en si peu de temps ? Ai-je suffisamment de brindilles et de feuilles pour les couvrir ? Au rythme où leurs congénères souillent les lieux, je n’aurai jamais assez de changes pour deux ! Il va falloir que je leur trouve des prénoms ! Je ne suis pas encore prête à devenir (co)parent. Les enfants, prenez votre temps ! Vraiment.
A suivre…
Pigeons : 4 / Anne : 3 (mais je les aurai !)
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