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  • Photo du rédacteurAnne

La vie désordinaire - #6



J’ai pas envie de me déconfiner.

C’est pas que j’ai peur d’être contaminée. C’est que j’ai pas envie, c’est tout. J’ai pas envie de sortir de cette période hors du temps, sans pression, sans injonctions. Mais surtout, j’ai pas envie d’avoir à faire attention. Je fais ce qui est demandé, bien sûr. Je porte un masque quand il le faut, je me lave les mains, je me tartine de gel hydroalcoolique, tout ça, tout ça. Je fais attention à ne pas contaminer.

Mais ce que j’appréhende, en fait, c’est de côtoyer les amis sans pouvoir les toucher. Sans effleurer leur joue en faisant la bise. Sans avoir la possibilité de poser ma main sur un dos, une épaule. C’est dur de se retenir. C’est frustrant. Regarder mais ne pas toucher. Le supplice de Tantale, en somme.


Et puis, je l’avoue, j’étais bien à jouer l’ermite. Dans mon cocon. Loin de l’agitation. D’ailleurs, à peine le confinement a-t’il cessé que la pression a re-pointé le bout de son nez. En quelques heures à peine, pouf pouf, sans prévenir. Comme un bouton sur lequel on aurait appuyé. On / Off. Elle est rapidement passée mais je la connais, elle va encore s’offrir quelques allers-retours, de temps en temps, subrepticement.

Alors je déconfine en douceur. Lentement mais sûrement. Pas d’apéro avec les amis, pas de réunion à plusieurs. Juste de longues balades dans la ville et les parcs. Quand je peux. Le temps que je veux. Un retour progressif, comme un sas avant le retour à « la normale » (qui n’est pour moi pas si normale). Les gens qui me connaissent savent que je suis un animal social. Mais là, à peu de choses près, c'est la même sensation que lorsque je rentre d’un long embarquement en mer. Je reprends progressivement mes habitudes. Je remets le nez dehors, pas à pas. Je redeviens sociable, petit à petit. J’évite de passer d’un extrême à l’autre. J’avance avec prudence.

A défaut de me déconfiner socialement, j’ai commencé par me déconfiner géographiquement. La semaine dernière, je me suis offert quelques jours en bord de mer. J’ai proposé à deux amis de se joindre à moi. Ils n’étaient pas disponibles, je me suis retrouvée seule. C’était pas plus mal. Point trop n’en faut. Je le vois bien, ça inquiète un peu ma sœur, qui me demande à chaque coup de fil si j’ai vu des amis. Non, toujours pas. Mais ça ne me manque pas. Pas tant que cela. On s’appelle, on s’écrit, on se donne des nouvelles. Je suis loin d’être seule, esseulée et abandonnée. Le besoin de présence physique n’a réellement commencé à se faire sentir qu’hier soir. Soient 9 jours après le 11 mai.

Alors aujourd’hui, ça y est, je me lance. Après l’écriture de ce texte j’éteins l’ordinateur, je saute dans ma voiture et je file boire le thé chez une amie. C’est le grand saut. Ensuite, ce sera la grande bleue.

Pour me remettre de ce début de sociabilité.




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