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  • Photo du rédacteurAnne

Rencontre avec un (dé)confiné - #6 : Jean-Michel

Jean-Michel n’a pas confiné chez lui, à Paris. Retraité au verbe vif, pas sûr qu’il aurait supporté l’enfermement dans son joli petit appartement du 18e arrondissement. Que faire, quand les cafés et les cinés sont fermés ? Finies les séances quotidiennes de 18h, auxquelles il s'adonne depuis des années. Terminé le plaisir de siroter un petit noir en regardant les gens passer. Dans ce cas, mieux vaut filer. Ce qu’il a fait, pendant deux mois et demi. Déconfiné et de retour chez lui, il reprend sa vie habituelle. Ou presque.


Tu étais où et avec qui pendant le confinement ? J’étais dans un tout petit village normand, avec une de mes filles. Je suis arrivé le 16 mars, à 7h32, répondant à l’invitation d’une vieille amie. Nous avons pris le train pour Granville, Valérie nous attendait à la gare pour nous emmener chez elle, à quelques kilomètres. Belle maison, grand jardin, des arbres, des fleurs partout… un vrai bain de verdure pour Parisiens. Je ne me suis jamais senti confiné ! Quelques heures après notre arrivée, le Président annonçait le démarrage du confinement. Pas trop dur quand on a la chance d’être dehors chez soi. Dé-confiné en zone verte le 11 mai, je suis rentré le 3 juin en train à Paris, le lendemain de l’annonce disant que l’on pouvait aller à plus de 100 kilomètres. En arrivant à Montparnasse j’ai pensé prendre un taxi et puis le bus 95 que je prends d’habitude est arrivé. J’ai bien regardé, ça m’a semblé sûr, et je suis monté dedans.


Qu’est-ce-qui a changé pour toi, depuis ton retour ? D’habitude, je ne me déplace qu’en bus mais là, je sors surtout à pied. Je ne prends jamais le métro mais ça, ça ne change pas, c’est comme avant. Je me sens assez à l’aise, en fait. Et je suis content de retrouver mon appartement. C’est quasiment la vie normale, pour moi. Il y a juste ma plante, une oxalis, je ne savais pas dans quel état quand j’allais la retrouver. Mon autre fille est passée l’arroser une fois pendant le confinement. Quand je suis arrivé, les deux tiers étaient couchés et un tiers est resté débout, vaillant. J’ai coupé tout ce qui était mort et le tiers encore debout se porte très bien. On dit que c’est une plante vivace et bien c’est vrai : elle a tenu ! En même temps, je lui parle beaucoup d’habitude… donc comment tu penses qu’elle aurait pu tenir si elle n’avait pas eu l’espoir un jour de me revoir ?!


L'oxalis de Jean-Michel, variété "survivor" (c)JMB

Tu appréhendais ce dé-confinement ? Non, pas d’appréhension. Une bonne nouvelle pour beaucoup de gens, semble-t-il. Quand j’étais en Normandie, pour nous, rien n’a changé… sauf que nous avons eu dans un premier temps le droit d’aller sur la plage. Elle était à 1,3 km soit, pendant le confinement, trop loin du kilomètre maximum exigé. On a continué à respecter les barrières bien entendu. Ce que j’appréhendais c’était la suite mais je ne suis pas à plaindre. Je pense à ces familles qui sont dans 15m2 à quatre...

Non, ceci n'est pas le jardin parisien de Jean-Michel. C'est la Normandie.

Qu’est-ce-qui te manque le plus ? Les salles de cinéma, les théâtres et Le Zèbre, un petit bistro de Montmartre où je prends le deuxième café du matin en lisant le journal prêté par la maison. J’ai retrouvé mon bistrot, même si pendant deux jours on m’a dit de revenir le jour suivant parce qu’ils étaient pas prêts avec les mesures sanitaires, les chaises, les tables… Maintenant, c’est vite plein. Quand il y a du soleil, si tu y vas avant 9 h du matin, ça va, tu as de la place. Par contre, il y a un problème d’approvisionnement avec la presse et il n’y a plus de journal. Mais cela fait relativiser : pas de journal, le fait de ne pas pouvoir aller ici ou là… il y a bien plus grave ! Je ne me sens pas du tout coincé ici. En fait, je ne sens pas que quelque chose ait été changé, en dehors du café du matin, du ciné quotidien et, de temps à autre, un musée ou un théâtre...


Tu trouves que l’ambiance a changé dans ton café ?

Il n’y a pas trop de retrouvailles, en fait. Avec le personnel, si, un peu. Mais il y a des gens avec lesquels je parlais avant le confinement, j’ai pas l’impression qu’ils aient envie de parler maintenant, je les sens plus prudents. Pour moi, à 99 % c’est un peu la vie d’avant mais avec en plus cette difficulté de parler aux gens qu’on ne connaît pas. Chacun soupçonne la possibilité que l’un soit porteur d’un virus qu’il leur refilerait… Les gens sont moins avenants. Mais en même temps, je préfère ça à l’insouciance et aux gens qui viennent s’asseoir à 50 cm de moi… là, c’est moi qui bouge !

Depuis que tu es rentré, tu fais quoi de tes journées ?

Hier, je suis allé chez le dentiste, car le rendez-vous avait été reporté avec le confinement. J’ai fait quelques dîners avec des amis, regardé un film avec un très bon ami, une petite balade, un café ici ou là… mais j’ai pas fait grand chose.

Tu a une idée de ce que tu vas faire dans les semaines à venir ?

J’ai pas de projets. Là, il faut que je reprenne la vie normale et puis que je bouge : un voyage, quelques jours en Normandie,… aller vers des ailleurs. J’ai une curiosité naturelle pour l’autre, j’aime observer les gens depuis la terrasse d’un café, leur inventer une vie… Jacques Tati, quand on lui demandait ce qu’était le cinéma, il répondait : ‘Des heures passées à regarder les gens, du papier et un crayon’. On a cette curiosité de l’autre. Etre toujours en contact avec de l’humain, c’est ce à quoi je suis sensible. J’ai failli participer à une radio associative pour les SDF, j’aimerais me sentir utile. Si on m’appelle et qu’on me dit ‘on a besoin de vous’, j’y vais !

Tu t’habilles différemment que pendant le confinement ? Oui, car pendant le confinement je me suis habillé pendant presque trois mois avec le peu de vêtements prévus pour une balade de 3-4 jours.


Non, ceci n'est pas l'appartement parisien de Jean-Michel. C'est encore la Normandie.

Tu tires des enseignements ce confinement ? Je donnerai du temps au temps pour en tirer des enseignements grâce à la lecture des sociologues et des historiens. Il serait vraisemblable que positif et négatif se mêlent. En tout cas, j’ai une encore plus grande curiosité pour l’homme et la continuelle évolution de cette race humaine, qui a montré le bout de son nez il y a 41 000 ans. Je suis tombé sur deux textes, dont un d’Edgar Morin, et ça m’a ramené à des idées qui traînent dans ma tête depuis quelques temps déjà et à un très bon documentaire sur l’évolution sur ARTE… Ce que je me dis, c’est qu’il faudrait que l’homme soit un peu plus proche de la nature. Si tu veux ajouter quelque chose... Je me souviens de François, alors Pape depuis peu, du haut de son balcon, devant des milliers de personnes, concluant son homélie par cette phrase : « N’ayez pas peur ». A méditer.

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