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Photo du rédacteurAnne

Les grandes questions - #1 bis

Certes, on s’en serait bien passé de ce maudit virus. De ces hôpitaux bondés. De ces soignants débordés. De ce confinement forcé. Mais il faut l’avouer : cette situation a parfois du bon.


Rassurez-vous, je vous épargnerai les discours du type : profitez de cet épisode malheureux pour vous recueillir et aller trouver le diamant qui se niche au fin fond de votre moi intérieur sacré / c’est une occasion unique de réconcilier l’humanité toute entière avec la nature et d’unir en un seul élan tous les êtres qui peuplent cette planète / quelle chance merveilleuse de redécouvrir les siens sous un autre jour, toute la semaine, à toute les heures, dans toutes les tenues / ce cadeau du destin vous offre le temps de vous délecter des petits plaisirs de la vie, comme tremper vos lèvres dans un rooïbos citron-gingembre-cannelle tout en écoutant le doux chants des oiseaux sous vos fenêtres à peine l’aube levée... Vraiment, je tiens à vous épargner cela.


Parce qu’il y en a qui bossent. Et même plus que d’habitude. Ceux-là n’ont pas le temps de s’arrêter pour regarder sécher la gouttelette de rosée sur les pétales des pétunias de la voisine du dessous, ni de fabriquer avec leurs enfants des parcours de dominos qui traversent l’appartement du sol au plafond. Mais il faut être honnête : il y en a quand même certains à qui le confinement fait du bien.


Alors, allons-y carrément : « Pour moi, c’est la vie idéale, ce confinement : pas de bruits, pas de voitures, pas de foule dans les rues… ça me va très bien ! ». C’est que m'a dit Marie, une amie. Elle s’était même confinée en avance, pensant avoir chopé LA maladie, une semaine avant que nous soyons tous assignés à résidence. Journaliste pigiste, si l’on omet le travail de terrain, le confinement ne la change pas trop. Il améliore même son quotidien. Depuis toujours, elle écrit ses papiers de chez elle, postée devant son grand écran d’ordinateur, en toute tranquillité. Elle est donc parfaitement adaptée à ce genre de situation. Ah, et elle est autiste Asperger. Le confinement, pour elle, c’est apaisant : moins de monde, moins de stimulations sensorielles. Elle se sent mieux. Moins épuisée. Et finit par ajouter : « Depuis quelques jours, je dors bien mieux ! ».


«Je ne sens plus de pression, c’est fou ! » me lance Véro. Ça aussi, c’est l’effet confinement. Tout à coup, la pression quotidienne est retombée. Pouf pouf. Professeure de yoga, elle profite de ce temps retrouvé pour expérimenter. En trois semaines, elle a tourné quelques vidéos pour donner des conseils à ses élèves et mis en place un planning de cours par internet*. Avant le confinement, elle n’aurait jamais osé. Au début, elle me disait même : « Non, je ne vais pas faire de cours en ligne, je préfère être dans la même salle que les gens... ». Efficace, ce confinement !


On est moins sollicités (exception faite des télétravailleurs avec enfants à la maison qui ont dû voir leur niveau de stress tripler et leurs capacités auditives régresser depuis trois semaines). On se détend un peu. Même Isabelle Autissier, que j’entendais l’autre jour à la radio, en parlait : «« Il y a des gens qui redécouvrent la maîtrise du temps, qui se disent que le matin quand je me lève j’organise ma journée comme je veux, je suis pas harcelé par tout le monde... on vit dans une société où le temps va de plus en plus vite. « J’ai pas le temps », c’est une expression terrible ! Ça nous donne l’occasion de reclasser les priorités ». Ça ne veut pas dire qu'on se la coule douce pour autant. Présidente du WWF France**, elle-même dit qu'en ce moment elle bosse à fond pour l’ONG. Bon, il faut dire aussi que quelques années à naviguer en solitaire, ça aide à encaisser la période...


Moi, ma priorité, a été de faire un grand tri. Un besoin qui traînait dans un coin de ma tête depuis des mois, que je repoussais constamment. Il y avait toujours plus urgent : un dégât des eaux à déclarer, un conduit de chaudière à déboucher, un syndic de copropriété à relancer/harceler/maudire, des CV à envoyer, des lettres de motivation à rédiger... Puis tout s’est arrêté. Net. Le confinement annoncé, mes recherches de boulot s’annonçaient vaines et le mot "tri" s'est mis à clignoter dans mon cerveau. Plus de pression, je peux me consacrer à ces choses que je me refusais jusque-là, par culpabilité.


Chacun y va de son rangement, de son expérimentation, de ses révélations. Mon père a trié les pots de peinture oubliés depuis des années au fond de la cave. Laurent a mis en place spontanément, avec une amie anthropologue, un questionnaire de confinement qu’il envoie autour de lui pour récolter de la matière destinée à de futures études sur le phénomène. Nicolas s’est mis à la poésie et publie ses textes sur Facebook. Anne-Cécile a dévoilé ses talents de ventriloque sur les réseaux sociaux. Emilie, qui songeait déjà au télétravail, est passée à l’action et se délecte de ses pauses café depuis son salon avec vue sur la campagne. Quand elle veut voir ses collègues, elle fait des pauses cafés virtuelles. Dominique, qui vit dans le sud, a sorti le vélo d’appartement dans le jardin. La liste est encore longue.

Bien sûr, les raisons de ce confinement n’ont rien de réjouissantes. La situation n’est pas simple pour la plupart des gens, beaucoup n'ont pas de temps pour eux ou partent travailler à l'extérieur. D’autres ont une société, une structure et des employés à sauver. Des consultations à assurer. Des sueurs froides. Des angoisses. Je n’omets pas cet aspect-là mais je me dis que cela fait du bien, de temps en temps, de se dire que certains arrivent à en tirer des bribes de positif. Comme ça. Juste comme ça. Pour changer.

*Pour connaître le planning des cours de Véronique, c’est par ici : https://www.facebook.com/selfexplorations/

** WWF France est une ONG de protection de la nature (leur logo, c’est est un panda… ça vous dit quelque chose, non ?)



Emmaüs, j'arrive ! (ceci n'est que la partie émergée du tri, le reste est au grenier...) (c)AnneRecoules

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