Qui dit confinement dit situation exceptionnelle. Qui dit situation exceptionnelle dit expériences nouvelles. Et nous voici à faire des choses que l’on n’a jamais faites comme, par exemple : nettoyer la salle de bain à la brosse à dents, sortir le chien six fois par jour (alors que deux fois suffisaient amplement jusque-là), aller courir quatre fois dans une seule et même semaine, laver les vitres avec un coton-tige, passer tous les rideaux à la machine, ranger les conserves par taille et par couleur, ne pas se laver pendant deux jours / trois jours / cinq jours / ne pas se laver du tout (rayer la mention inutile).
Pour ma part, j’ai voulu innover et j’ai donc lancé un apéro de palier. Non pas que l’apéro me manque mais je confine seule, je ne vais pas travailler hors de chez moi et pour être sûre d’avoir minimum de sociabilité en 3D (ou IRL* pour les moins de 50 ans) j’ai donc proposé, dès la fin de la première semaine de notre ermitage connecté, un apéro à mes voisins de palier.
J’ai de la chance, ils sont super sympas. En même temps, ç’aurait été le contraire, je ne leur aurais pas proposé… et leur aurais plutôt suggéré de bien rester chez eux et de ne sortir sous aucun prétexte. Aucun. Question de survie, hein.
Jeudi matin, veille de l’apéro, j’ai donc scotché un mot sur le mur du 3e étage et attendu que ça morde. RDV fixé le lendemain, à 19h. Vendredi, 19h05, aucun son ne vient du palier. J’ouvre ma porte et là, j’entends instantanément le bruit des serrures. A croire qu’ils attendaient tous derrière leur porte (il faut dire aussi que l’immeuble est assez sonore et que le moindre bruit sur le palier s’entend de loin, même des toilettes) ! On se regarde, mi-amusés, mi-intimidés. Puis on se marre et on commence à s’installer. Sur quatre appartements, nous sommes trois à avoir répondu à l’appel.
Le couple en face de chez moi amène une petite table dans l’entrée de leur appartement et y installe leur petite fille de deux ans et demi. Un tabouret, un verre et un bol de gâteaux apéro. De quoi la neutraliser quelques temps. Sa mère pose un tabouret à côté de l’entrée et son père va se poster sur les marches de l’escalier qui monte au 4ème. La voisine d’à côté, dont la porte est à moins d’un mètre de leur appartement, migre sur les dernières marches de l’escalier descendant. De mon côté, je tire un gros fauteuil dans l’entrée. Pour les distances, on est bons.
Il y a juste un détail auquel je n’avais pas pensé : la minuterie. Toutes les deux minutes, c’est la pénombre. Afin d’éviter d’avoir à bondir de mon fauteuil moelleux toutes les 120 secondes, je file chercher une lampe sur pied et une rallonge. Ambiance tamisée, ça rend plutôt bien. Je pense que jamais un palier n’a bénéficié d’une telle ambiance feutrée ! Il manque juste une peau de bête au milieu, un écran avec une vidéo de feu de cheminée et on se croirait dans un chalet. Enfin presque.
On a tous nos munitions. Une bière, une bouteille de rouge, un whisky. Des gâteaux apéro et des chips. Chacun sa boisson, chacun son verre, chacun son bol avec de quoi grignoter. Et l’on trinque à distance.
Les parents arrivent à contenir leur fille le temps que les gâteaux soient consommés. C’est-à-dire : peu de temps. Puis la petite part explorer le palier. Les gestes barrière étant une notion relativement vague pour une enfant de moins de trois ans, on la regarde donc aller et venir sur le palier, avec un mélange d’amusement et de craintes pour cette micro-punk qui se joue des règles sanitaires. Chaque fois que je la vois approcher, dans un rire gêné, je me vois la renvoyer à ses parents, de peur de lui refiler un truc. Le plus étrange, c’est de ne pouvoir jouer avec elle ou la faire monter sur mes genoux. Elle ne doit pas tout comprendre mais s’en accommode, allant et venant entre ses parents.
Toute cette installation de palier nous permet en tout cas de papoter deux bonnes heures, ponctuées d’allers-retour pour se ravitailler vers nos frigos et placards respectifs, avant de rentrer chacun chez soi, avec son verre.
Bilan du test : apéro de palier validé !
*IRL = In Real Life = dans la vie réelle, pour les seniors ...euh...ceux qui ont plus de 60, non...65, non...70 ans...euh…enfin bref, pour les plus âgés, en somme.
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